Dans notre dernier blogue Confiance et conscience collaborative : une approche de gestion à intégrer! où il était question de transformer l’approche de la gestion avec les 3C, nous nous sommes penchés sur l’importance d’approfondir la mission d’entreprise. Une nécessité pour les organisations et leurs dirigeants qui doivent se connecter à une cause plus noble que le simple but avoué de réaliser du profit et générer des avoirs.
Aujourd’hui le défi de ces organisation, tendre vers une gestion horizontale mettant de l’avant de nouvelles approches inclusives, collaboratives et conscientes de ce qui les entoure. Elle doivent devenir des acteurs proactifs. Les entreprises qui réussissent ce virage obtiennent généralement beaucoup de succès tant du point de vue de la motivation des effectifs, de la responsabilisation des employés que de l’image positive que cela génère chez leurs clients et parties prenantes. En tendant vers une gestion plus horizontale ces organisations peuvent ajouter du sens et une plus value à leur raison d’être.
Pour traduire plus concrètement ces notions intangibles, nous vous raconterons ici l’histoire de trois entreprises qui ont su faire le virage vers un capitalisme conscient et qui se sont, par le fait même, transformés en leaders conscients.
Fogo Island Inn – Prioriser les atouts de la collectivité
Zita Cobb, co-fondatrice et originaire de l’Île de Fogo au nord-est de Terre-Neuve, a mis en application cette approche pour créer ce petit bijou d’hôtel. Gestionnaire émérite d’une firme du domaine de la fibre optique, elle décide de revenir à ses racines pour développer un nouveau projet en choisissant de miser sur une approche axée sur le développement de la communauté et de ses atouts. Sa mission et son but sont tant de mettre de l’avant l’hospitalité des habitants, qui en font d’ailleurs sa marque de commerce, que la beauté de l’île et ses produits d’artisans locaux. Ainsi, elle donne du travail à la communauté pour redonner un élan social et dynamiser les sphères artistiques et culturelles du lieu éloigné presque mythique.
Pour arriver à ce constat, elle a travaillé en collaboration avec des gens de la communauté pour bien définir ce qui faisait la force de ce lieu: sur quels axes son projet d’hotel 5 étoiles pouvait-il avoir le plus d’impact pour les gens de l’île? Il y a donc bien sûr une dimension économique à son projet, il va de soit si le projet veut survivre. Par contre ce projet d’affaires est et a toujours été orienté dans un souci de développement social local, à court terme, et une vision holistique, à plus long terme. Il communique du rêve, de l’espoir et permet de vivre des émotions. D’ailleurs tous les profits vont dans un fond qui sert à financer de micro projets d’affaires partout sur l’île. Une belle continuité pour renforcer la vision sociale et communautaire de cette entreprise.
En regardant ces photos, si vous n’êtes pas tentés d’y aller, je me demande ce qui vous fera vibrer! 🙂
La Banque Nationale : Rehausser l’engagement des employés par une petite révolution managériale
Un changement important s’est opéré pour les 200 employés de la division marketing de la Banque Nationale depuis septembre 2017. Le tout afin d’opérer un virage dans la façon de travailler, dans la la structure organisationnelle et ultimement dans la culture d’entreprise. Le point de départ était de remettre de l’avant la mission, soit soutenir la collectivité dans le développement de ses affaires pour créer un effet positif dans la communauté. Cela passe par le fait d’aider à divers niveaux (financiers, accès à des milieux collaboratifs) à propulser plus loin les projets et idées d’entreprise de cette collectivité. Pour y parvenir, cette vision devait être incarnée à l’interne.
L’objectif était de trouver des approches permettant de mener à bon port des projets plus rapidement en rehaussant l’engagement des employés. Voici quelques actions et changements, relevés dans une entrevue avec le journal les Affaires et quelques autres sources, qu’a rapporté la banque Nationale pour prendre ce virage conscient.1
Ils ont mis de l’avant de nouveaux espaces de travail sans bureaux, des aires de travail disposant de grandes tables favorisant ainsi le travail d’équipe selon les besoins. Cette approche s’appliquant à tous les niveaux de l’entreprise, elle s’est avérée fructueuse. Cette mise en actions reflétait les décisions axées sur un modèle transversal plutôt que vertical.
Ils ont ensuite revisité l’approche de réalisation des projets et ont réparti les équipes selon des regroupements appelés «Chapitres», comme par exemple le « marketing analytique », « l’image de marques », le « numérique », etc. Ils ont ultérieurement redivisé le tout par «Tribu» soit Grandes entreprises, Particuliers, PME, Start-up, etc. Finalement, ils ont attribué une mission à chaque tribu pour que son leader compose ses «Escouades» idéales de 5 à 8 personnes en fonction de l’objectif visé. Toutes ces équipes travailleront de façon autonome pendant 3 à 4 semaines pour atteindre les objectifs en mode «sprint». Une collaboration s’installera et les chefs de Tribu ou leaders seront en support aux équipes. L’élément qui nous intéresse ici est qu’on a inversé les rôles. Avant ce changement, les équipes étaient au service d’un supérieur hiérarchique, maintenant les leaders nommés par l’ensemble des individus sont au service des équipes. Ils ont autonomie et latitude pour créer et offrir de nouvelles solutions.
En supplément, on a mis en branle certaines activités calquées sur d’autres industries pour dynamiser l’environnement de travail et la motivation des troupes. Par exemple, le Banco, une approche inspirée des chaises du parc de Hyde Park à Londres, sur lesquelles n’importe qui peut monter pour apostropher les passants, ont fait leur entrée chez Banque Nationale. Il est donc à la fois cocasse et stimulant d’observer des employés grimper volontairement sur une chaise pour lancer une idée, former une équipe de sport ou mettre sur pied une activité sociale pour la communauté. Ils se servent aussi de ce dispositif pour transmettre d’autres messages qui n’embourberont pas les boites courriels tout en créant des liens relationnels, des anecdotes et un sens du plaisir au travail.
De petites révolutions qui semblent avoir du succès et que la haute direction désire élargir à d’autres divisions entre autres aux départements des ressources humaines, aux opérations et à la gestion de risque.
Whole Food, une application du leadership conscient.
John Mackey, CEO et fondateur de Whole Foods Market, a instauré une mission claire soit celle d’élargir l’accès aux produits alimentaires sains. Il est clairement un des pionniers du mouvement de produits organiques en Amérique du Nord. Toutefois, en 2014, non convaincu d’aller assez loin dans sa démarche, il a déployé un nouveau système d’évaluation de facteurs tels que la conservation d’énergie, la réduction des pertes et le bien-être des travailleurs agricoles. Son programme «Responsibly Grown» n’a pas fait l’unanimité chez les producteurs de produits organiques souvent représentés par de petites fermes familiales. Ces dernières ayant l’impression de se faire transférer le coût marketing de ce programme et leur mettant une pression supplémentaire eux qui n’avaient déjà qu’une marge de profits déjà faible.
Mackey a légèrement ajusté le tir, mais malgré la vague de mécontentement, il persiste et signe. Il se dit plus interpellé par le fait de ne pas coller à ses valeurs et sa mission d’entreprise que par le désir de plaire à tous. Son idéologie, à la base de l’approche du Leadership et capitalisme conscients, va comme suit :
«Si une entreprise ne fait pas de profit, elle meurt. Pourtant le but de l’entreprise n’est pas forcément de faire du profit, mais plutôt de suivre une mission plus globale orientée vers sa passion et sa raison d’être».
Il souligne et cautionne donc la nécessité pour toute entreprise d’avoir une vue plus large, plus sociale et un impact plus grand que la seule réussite financière. Pour Whole Food, cette approche a amené la création de ce qu’ils appellent leur stratégie évolutive 365 degrés testée dans un nouveau magasin à Détroit. Avec ce nouveau concept, l’entreprise propose une offre de produits limitée, des espaces magasins plus petits, de meilleurs prix (plus éloigné de sa philosophie première qui étaient d’offrir des produit plus luxueux et plus chers à une population bien nantie), pour s’adapter à un profil démographique plus pauvre. Malgré le risque, tout cela étant parfaitement aligné avec l’objectif de rendre accessible à tout le peuple, même les plus démunis, une nourriture plus saine. Le virage en valait le coût.
L’engagement dans la communauté est devenue encore plus concret lorsque Whole Foods Market a créé trois fondations visant à faire face aux défis auxquels les communautés locales ou plus globales sont confrontées : Whole Cities, Whole kids, Whole planet.
De nombreuses autres entreprises ont emboité le pas et embrassent maintenant cette approche de gestion à leur façon. Patagonia, The Container Stores, Unilever, Prana, TED, Impact Hub, Kickstarter, Life is Good, Chipotle, IDEO, ETSY, TOM’s ou plus près de chez nous la Compagnie Électrique Lion, la plateforme médiatique de l’économie sociale engagée Novae, plusieurs start-ups qui ont comme mission et but premier de donner accès à l’information, l’éducation, des produits locaux (Ex. Allo prof, Aliment maison, Unisoft, Gsoft, etc.)
Que ce soit dans le partage d’idées, de compétences, le respect de la nature, l’intégrité en vue d’un commerce équitable, pour combattre la pauvreté par le design, pour promouvoir des idées de projets ou faire fleurir des projets sociaux économiquement viables, ces entreprises sont en train de révolutionner le monde pour le mieux et de changer les règles du jeu.
Pourquoi ne pas tenter de vous inspirer de ces cas pour peut-être redéfinir votre mission et la mettre en action? Cela doit bien entendu s’inscrire au-delà d’une citation sur un mur. Clarifiez votre implication sociale, générez un engouement dans vos équipes et responsabilisez-les dans une optique de gestion plus consciente! Des paroles à l’action, voilà certes le défi, mais aussi la solution!
Vous récolterez certainement…
Sources :
- Les affaires, 10 mars 2018, dossier gestion P12.
Références :
https://fortune.com/2015/08/20/whole-foods-john-mackey/
https://www.entrepreneur.com/article/246478
https://www.newsweek.com/2014/09/26/can-inn-save-newfoundlands-fogo-island-271129.html
https://plus.lapresse.ca/screens/b4fecb76-68a2-4b25-b761-75800873b315__7C___0.html
Magali Pelletier est entrepreneur, stratège et formatrice. Elle cumule plus de 15 ans d’expérience professionnelle en entreprises manufacturières et de services comme spécialiste en gestion marketing et stratégie de développement de produits. Fondatrice de la firme Stratégie MP depuis 2013, elle offre des services d’accompagnement stratégique en processus d’innovation, des formations sur les grands thèmes actuels en gestion et développement de produits et effectue des études d’opportunités pour explorer de nouvelles idées ou marchés. www.strategiemp.com