Vous tous qui êtes employés, gestionnaires, dirigeants d’entreprises ou de départements, vous savez à quel point la gestion est un défi quotidien et complexe. Quels sont donc les principaux enjeux de demain à cet égard et comment pouvez-vous mieux vous y préparer ?
Je me suis plongée dans un dossier « management de demain » dans la très crédible revue Gestion. D’autres articles glanés au cours des derniers mois abondant dans le même sens, j’ai cru intéressant de vous proposer ici un sommaire incluant quelques données concrètes relativement à ce que l’avenir nous réserve.
Le virage requis par l’évolution technologique
Quels défis les gestionnaires auront-ils à surmonter en regard des changements qu’apportera l’évolution des technologies et la venue de l’Intelligence Artificielle (IA) ? Les spécialistes, dont le très connu scientifique Yoshua Bengio, porte-parole de la communauté de l’IA, ne connaissent pas la vitesse à laquelle ces changements arriveront, mais il est certain que les entreprises ont beaucoup à faire pour mieux se positionner en tant qu’acteurs proactifs plutôt que comme simples acheteurs ou spectateurs.
Pour y parvenir, voici quelques éléments à considérer :
- Assurer l’investissement dans la formation de la main d’œuvre pour lui permettre d’acquérir une compréhension fonctionnelle de l’IA. À un niveau sociétal plus global, cela implique de revoir le système d’éducation afin d’intégrer cette compréhension et le développement de cette curiosité et de cet intérêt à un jeune âge, cela en vue de préparer la relève à cette nouvelle ère industrielle.
- Développer une habileté à cerner l’évolution des technologies par une veille continue.
Voici une liste provenant du McKinsey Global Institute des technologies qui devront être suivies de près d’ici 2025.
- Investir dans la conception technologique pour devenir des fabricants de machines intelligentes hautement performantes facilitant ainsi les capacités d’automatisation. Impact direct : les professionnels du milieu prédisent d’ici 10 ans la disparition de la délocalisation géographique ayant ainsi accès à une compétence précise par machine et les avantages de coûts réduits, un gain en productivité et une réponse à certaines pénuries de main-d’œuvre.
Se positionner en acteur majeur
Il importe donc de se positionner en acteur majeur et de développer une expertise probante pour s’assurer une autonomie ainsi qu’une croissance. Cela afin de ne pas dépendre des pays qui auront saisi l’opportunité et investi dans le développement de pareilles technologies. Nous devrons, pour rester compétitifs, y avoir recours de toute façon…
- Favoriser la création d’emplois dont la conception du travail est axée sur l’humain. Cela représente un changement important de paradigme dans l’approche des métiers et un ajustement qui ne se fera pas sans heurts. Les professionnels de la technologie bénéficieront de cette révolution et d’autres emplois jusqu’alors connus disparaitront. Les emplois dangereux, répétitifs, non stimulants qui ne font pas appel aux qualités relationnelles seront effectués par des machines.Par contre, nous verrons plus de place donnée aux métiers à valeur artistique, créatrice, à vocation sociale comme les professionnels aidants, les éducateurs et les professeurs. Il en sera ainsi pour les professions aux profils liés aux études fondamentales ou à la recherche, comme ils nous permettront de comprendre notre environnement. Des métiers qui valorisent un lien affectif et qui sont souvent encore aujourd’hui moins bien rémunérés feront figure de références. Demeureront aussi les métiers où la capacité de réflexion s’avère essentielle, par exemple les postes de gestion. La vision et la compréhension du monde et de la société ne pouvant être créées et défendues par une machine, ces postes survivront.Comme le précise monsieur Bengio, «malgré sa fascinante capacité à emmagasiner des données et à les analyser, la machine, aussi optimale soit-elle, n’a pas la faculté de réfléchir».
Et l’État lui ?
Nos gouvernements devront aussi relever le défi de mettre sur pied des barèmes éthiques et moraux par le biais de lois sévères pour encadrer et éviter les excès de certaines industries. Il devra notamment légiférer sur l’utilisation des robots ou machines pouvant possiblement servir à des fins malveillantes. Certains pourraient vouloir, par exemple, utiliser les machines dans le but de détruire, tuer, influencer politiquement (on le voit déjà avec Facebook) et ainsi aggraver les discriminations ainsi que la concentration des pouvoirs et de la richesse risquant du même fait d’aggraver les inégalités.
Exportation et diversification pour faire face à la montée du protectionnisme
Depuis la venue de Donald Trump à la présidence des États-Unis, la menace du protectionnisme plane sur les entreprises québécoises et canadiennes. On observe, entre autres mesures de contrôle, une approche qui limite l’immigration et favorise un modèle économique libéral à l’intérieure des frontières protégées par des tarifs.
Comment faire face à cette situation? Deux options exigent réflexion et prises d’actions pour préparer l’entreprise à sa prochaine phase d’expansion.
- Revoir la productivité en investissant dans les équipements et outils de suivi afin d’être à jour au niveau des avancées technologiques et donc plus compétitif. Il devient important d’établir des seuils d’investissements plus intéressants pour accroitre la rentabilité des activités stratégiques. À cet égard et en ce moment, le Canada fait malheureusement piètre figure.
- Diversifier les marchés d’exportations; cibler d’autres pays que les États-Unis en maximisant les nouveaux accords. L’accord Économique et Commercial Global (AECG) et le Partenariat TransPacifique Global et Progressiste (PTPGP) donnent accès à près de 500 millions de consommateurs répartis dans 10 pays. Il y a aussi la possibilité de maximiser et d’approfondir le commerce pancanadien.
Il faut donc développer l’intelligence d’affaires et de financement. Cela inclut de mieux connaitre et comprendre les ententes de libre-échange et d’étudier les avantages qu’il est possible d’en tirer. Investissez temps et énergie et faites-vous accompagner au besoin en ce sens. Cela sera payant à échéance.
70 % des exportations québécoises sont vendues à nos voisins du sud et représentent 60,2 milliards de dollars. [1] On estime que cette proportion du commerce diminuera à 60 % d’ici les 20 prochaines années. Toutefois, restons réalistes. L’ensemble des spécialistes s’entend pour dire que l’importance du marché américain restera prédoninante dû à son accessibilité, sa proximité et ses coûts de transports et de transactions circonscrits.
Développer agilité et souplesse face à la nouveauté
Clarifions tout d’abord ce que l’on entend par agilité.
«AGILITÉ : S’assurer de pouvoir réagir judicieusement à toute situation inédite.»[2]
Pour développer une agilité stratégique, les spécialistes du management vous encouragent à considérer et intégrer les moyens pour adopter les 4 sous-aptitudes suivantes :
- Capacité à entrevoir rapidement les tendances dans l’environnement de l’organisation.
- Adaptation continue de la direction aux changements.
- Habileté à réallouer les ressources rapidement en fonction de la nouvelle stratégie.
- Mise à profit des 3 points ci-dessus afin d’identifier de nouveaux moyens de créer de la valeur.
Comment parvenir à créer cet environnement agile?
Voici quelques pistes de réflexions.
- Travailler à enrichir la culture d’entreprise: donner droit à l’expérimentation et à l’erreur et valoriser la prise de risque. Cela favorise l’agilité. Faire preuve d’une éthique forte de sens. Nous avons traité de ce sujet dans deux de nos billets. Je vous encourage à en faire la lecture.
- Créer de petits groupes expérimentaux qui auront différentes règles plus flexibles. Attention de viser un certain équilibre entre l’exploration et l’exploitation. Trop de l’un au détriment de l’autre n’est pas judicieux.
- Renouveler le portefeuille de compétences internes en injectant du sang neuf pour amener de nouvelles idées et technologies. Favoriser les types de tempérament et de qualités chez les employés qui seront axés sur la polyvalence plutôt que sur la spécialisation. Ici encore, il importe de trouver le juste milieu entre spécialisation et polyvalence ainsi qu’entre gestion quotidienne et transformation à long terme.
- Récompenser les bons comportements reliés aux 4 sous-aptitudes d’agilité stratégique.
La clé du succès relève de la capacité pour les dirigeants de déterminer quoi changer, quand, à quel rythme et à quelle échelle. L’entreprise doit commencer par définir sa vision, donc sa raison d’être. L’impact que désire avoir celle-ci sur le monde qui l’entoure et l’avenir suite à ses décisions et actions est crucial. De leur côté, les gestionnaires doivent s’orienter vers un leadership transformationnel[3] en proposant une vision stimulante et en accompagnant leurs troupes dans la transformation.
Attirer et cultiver les talents pour la croissance
Il est question de revoir les approches de recrutement. L’entreprise doit avoir une stratégie de visibilité pérenne. On ne procède donc plus à du recrutement ponctuel, mais plutôt continu. Le recrutement doit, dans ses recherches de main d’œuvre, s’élargir à d’autres industries, à d’autres générations et s’ouvrir aux nouveaux arrivants. Finalement, elle doit consacrer des énergies à recruter à l’interne.
Il est important de développer, par la même occasion, des programmes d’aide à la rétention des employés à fort potentiel. Pour ce faire, il faut connaitre l’adéquation 1) des besoins entre l’organisation et l’employé et 2) des intérêts/compétences de l’employé envers ses tâches.
Le travailleur cherche aujourd’hui plus que jamais à satisfaire certains besoins personnels importants afin de donner du sens et se réaliser dans sa vie professionnelle. Saurez-vous y répondre?
- Sentiment de compétence
- Autonomie dans l’accomplissement des tâches
- Être partie prenante des décisions stratégiques
- Environnement de travail stimulant, ouvert et sain
- Possibilité de progresser grâce à un plan de développement polyvalent via l’approche des parcours rotationnels (expérimentation de divers secteurs de l’entreprise pour développer la polyvalence)
- Maximisation de l’intelligence collective des plus âgés pour faire bénéficier les plus jeunes de leur expertise sous forme de mentorat.
D’autres facteurs clés de rétention
Les facteurs intergénérationnels, la diversité ethnoculturelle et la protection de la santé mentale seront aussi au centre des préoccupations pour retenir les bons joueurs. Notre blogue sur le sujet Le gestionnaire de demain : Leader inspirant et de proximité.
Ultimement, l’éthique organisationnelle orientée vers une culture de création de valeur partagée du bien commun pèsera lourd dans la balance. Ce sujet important fera l’objet d’un autre blogue en cours d’année.
Ce fameux principe d’éthique a par ailleurs grandement évolué. Plus récemment, il est passé de l’application traditionnelle de la déontologie, soit l’intégrité des valeurs, à la création de comités d’éthique et de postes de conseillers en éthique. D’une préoccupation dominée par la projection d’une image irréprochable, les entreprises devront dorénavant entrevoir l’éthique comme une réflexion essentielle vers la quête du bien commun. Ce dernier dépendra d’une économie plus responsable, plus durable et plus équitable. Ce qui constitue notamment ce que les nouvelles générations recherchent et souhaitent.
Si vous désirez en savoir plus, je vous recommande fortement la lecture complète du dossier de 30 pages «Défis à relever, des occasions à saisir. Êtes-vous prêts pour demain? » de l’édition d’hiver 2019 de la revue Gestion.
Notes
[1] Institut de la statistique du Québec (ISQ), 2017.
[2] Définition du professeur invité au département de management de HEC Montréal, Russell Fralich, interviewé dans le dossier de la Revue Gestion, Hiver 2019.
[3] Définition : une forme de relation entre le manager et son équipe qui la transforme profondément. Au contact du leader transformationnel, les membres de l’équipe changent de comportement, de croyance et adhèrent à des buts élevés.
Références
Revue Gestion, Dossier , P34 à 85. Édition hiver 2019
https://www.efficacite-collective.fr/le-leadership-transformationnel.php
https://www.foederis.fr/les-grandes-tendances-rh-2020-2025-partie-1/
https://www.game-learn.com/les-grands-defis-des-leaders-demain/
Journal les affaires, Le chasseur de tête de demain sera un agent d’artistes! Par Nathalie Francisci, dossier main-d’œuvre
Magali Pelletier est entrepreneur, stratège et formatrice. Elle Cumule plus de 15 ans d’expérience professionnelle en entreprises manufacturières et de services comme spécialiste en gestion marketing et stratégie de développement de produits. Consultante depuis 2013, elle offre des services de consultation, des formations sur les grands thèmes actuels en gestion et développement de l’innovation et effectue des études d’opportunités pour explorer de nouvelles idées ou marchés. www.strategiemp.com