L’intelligence émotionnelle (IE) est un sujet bien étudié en psychologie et connu depuis longtemps, mais qui semble encore difficile à intégrer dans le milieu des affaires.
Même s’il suscite davantage d’intérêt, l’entreprise d’aujourd’hui qui désire intégrer dans son fonctionnement des aptitudes plus humaines à sa gestion (la maitrise de ses émotions, l’empathie, la capacité de mieux saisir l’autre, de réagir à des motifs valables au bon moment, de persévérer, de s’auto-motiver, etc.) fait face encore à un grand défi, soit l’application concrète en milieu de travail. S’inscrivant dans une réalité d’accélération du marché qui génère de plus en plus d’exigences et donc de conflits potentiels en milieu professionnel, il importe de mieux s’approprier le concept d’intelligence émotionnelle.
Daniel Goleman, un des pionniers de l’Intelligence Émotionnelle la définit comme suit :
«L’habileté à reconnaitre, comprendre et gérer ses propres émotions et celles des autres et de pouvoir les influencer.» En terme simple cela signifie d’être conscient que nos émotions peuvent dicter nos comportements et influencer les gens (positivement ou négativement). Donc il devient essentiel d’apprendre comment gérer ces émotions (les nôtres et celles des autres) précisément quand nous sommes sous pression.
Lors du dernier sommet sur Le Mindful leadership à Washington, l’une des journées d’ateliers auxquelles j’ai pris part portait sur l’Intelligence émotionnelle – de la théorie à la pratique, créer une révolution dans le temps. Le conférencier, une sommité en la matière, Marc Brackett, Professeur et directeur du Centre d’Intelligence émotionnelle de l’Université de Yale et Professeur de l’École de médecine de Yale., nous a ouvert l’esprit sur ces notions fascinantes que sont la place et l’importance que jouent les émotions dans la vie professionnelle.
Avant d’aller plus loin dans cette avenue, voici quelques défis humains des entreprises de demain qui ont été énumérés à travers les conférences de ce sommet et mes conclusions suite aux nombreuses lectures et travail sur le terrain.
- Les échanges inter générationnels sont de plus en plus marquants,
- Les équipes de plus en plus multi ethniques et ayant des historiques culturels ainsi que des dispositions de base très différentes,
- La réduction des effectifs et ré ingénierie des équipes pour concurrencer et survivre sur le marché global,
- Nervosité, anxiété et scepticisme assez présent des employés.
Bref, les performances de l’entreprise dans une économie de plus en plus ouvertes nécessitent une habileté sans pareille pour l’humain à se renouveler, être flexible et évoluer dans un milieu en constant changement.
Face à ces constats, l’objectif ultime de cette très intéressante conférence était d’offrir aux professionnels de tout horizons les trois clés manquantes de la gestion des émotions et ainsi contribuer à faciliter son intégration dans sa vie personnelle et professionnelle.
- Savoir reconnaitre l’émotion vécue;
- Décrire les émotions grâce à un vocabulaire claire et précis ;
- Agir adéquatement en fonction de ce « ressenti » et de l’information précisée au point précédents pour tirer le meilleure de toutes situations.
C’est aussi ce que je désire faire à travers ce blogue. Je ne suis pas une spécialiste de la psychologie, toutefois en vous partageant mes réalisations et apprentissages, j’espère vous aider à en voir son importance et vous aider à mieux l’intégrer à travers des outils que j’ai découverts.
En gros, les émotions comptent et ont des conséquences sur de nombreux éléments dans notre vie :
- L’attention, la mémoire et les facultés d’apprentissage;
- Le processus de prise de décision;
- La qualité des relations;
- La santé mentale et physique;
- L’efficacité au quotidien.
Il devient donc primordial de vérifier si l’on vit une émotion positive ou négative, laquelle, de prendre le temps de déceler si cette émotion est utile ou non à la situation et comment on s’en servira pour un résultat positif.
Comprendre la terminologie pour débuter
Nommons tout d’abord ce que sont les principaux termes qui sont souvent employés lors que nous parlons d’IE. D’après l’expertise de Marc Brakett, voici comment nous pouvons différencier les principaux termes souvent utilisés dans nos discours :
- Émotion : Réponse automatique de courte durée (éphémère, brève) à un stimulus interne ou externe qui cause un changement à plusieurs niveaux : cognitif (on pense différemment), physiologique (on se sent différent intérieurement), expressif (on parait différent, changement visuel), comportemental (on agit différemment). EX. Surprise, désire sont des émotions.
- Sentiments : C’est une expérience privée et subjective à une situation. C’est plus complexe et tu en es généralement affecté pour une plus longue période. Un peu ton guide privé de la façon dont tu vois le monde. Ex. Amour, confiance sont des sentiments.
- Humeur : A une durée plus longue et est moins intense, souvent difficile d’identifier la cause dernière cet humeur. Bref c’est un état mental avec des changements physiologiques perceptibles. EX. être enjoué, combattif, austère ou conciliant sont des humeurs.
Nommer et utiliser le vaste spectre des humeurs et des émotions
Lors de cet atelier, nous avons été amené à expérimenter notre capacité à nommer et définir nos émotions en groupe. Siégeaient à ma table de discussion de hauts gestionnaires de Boeing, de 3M, un professeur universitaire, un garde forestier responsable des états d’urgence lors de feux de forêt, un consultant en management, le dirigeant d’une entreprise de services professionnels, une spécialiste de la santé en milieu corporatif et moi-même. Bref, un vaste éventail de profils de dirigeants bien aguerris.
Suite à nos discussions, voici quelques constats fort révélateurs qui sont ressortis :
- Malgré la différence considérable d’expertise et de milieux représentés, tous étaient d’accords pour confirmer la valeur des émotions. L’important étant de déceler ce qui est expérimenté et s’il s’agit de la bonne émotion pour entamer une action.
- Il y a souvent difficulté à nommer les émotions clairement. Il y a une tendance généralisée à recourir aux mêmes 5 à 10 émotions. On a identifié la nécessité d’élargir le vocabulaire.
- Les émotions négatives ne sont pas mauvaises, il faut cesser de les craindre et plutôt saisir leur message et trouver la façon dont elles peuvent servir.
- Les émotions sont circonstancielles. Une émotion dans une certaine situation peut être utile alors que cette même émotion dans une situation tout autre peut être dévastatrice. Par exemple, un sentiment de peur en situation de survie poussera probablement à prendre action, mais ce même sentiment dans un environnement sécure et connue, comme le travail, pourrait figer et empêcher de prendre une décision nouvelle et ouvrir vers de nouvelles opportunités. En priorisant le statut quo, la productivité pourrait en être affectée et freiner la prise de risque inhérente à l’essai de nouvelles stratégies qui pourraient mieux convenir. Cela pourrait aussi générer du stress et un sentiment moindre de bonheur, etc.
Outils disponibles pour nous guider
Pour vous aider, le Centre d’Intelligence de Yale a créé le Mood Meter. Cette application vous aidera à recenser vos émotions, mettre un nom sur ce que vous ressentez et de vous créer un historique pour vous aider à voir lesquelles sont les plus récurrentes. Ainsi vous serez plus à même de développer des stratégies de contrôle. Sujet que nous aborderons un peu plus loin. Il est possible de télécharger l’application créée en anglais (moodmeterapp.com).
Voici l’échelle des humeurs (Mood Meter). L’idée ici, est d’amener les gens, par exemple en situation de crise ou de conflit en entreprise, à reconnaitre l’émotion qui les habite, la nommer et évaluer ce qui sous-tend ce sentiment. Par la suite, le défi demeure de savoir l’utiliser de manière appropriée afin d’en tirer le maximum et d’opter pour la meilleure action dans les circonstances. Nous verrons cela plus bas dans les stratégies de contrôle.
La façon d’utiliser cet outils est plutôt simple. Comment vous sentez-vous à un moment X ? Vivez-vous une situation où vous avez un sentiment ou une émotion agréable ou plutôt déplaisante? Dans ce cas vous vacillerez entre les cadrans de droite (jaune-vert) et de gauche (rouge-bleu). Une autre question à vous poser, ce que vous ressentez est-il fort et explosif (cadran du haut – rouge et jaune) ou plutôt léger comme réaction et plus subtil (cadran du bas – bleu et vert). Le but étant de vous aider à identifier dans quel cadran vous vous situez et voir quel sentiment ou émotion définit le mieux votre état actuel. Avec cet outils, vous avez 64 degrés différents pour nommer comment vous vous sentez. C’est un bon début!
Comment utiliser ces informations dans le milieu du travail maintenant?
Selon ce que l’on tend à réaliser, certaines émotions peuvent s’avérer positives et très utiles tandis que d’autres pourront être complètement contre productives. Voici quelques réalisations que les spécialistes ont fait avec les nombreuses années d’études de cas sur les tendances généralisées d’émotions positives à utiliser dans certains cas de figure.
- Si vous tentez de créer un consensus au sein de votre équipe pour un projet ou désirez apporter un changement de processus à l’interne, les émotions du cadran vert vous seront très utiles (consensus, calme, confiance, sécurité). En contrepartie, si vous devez trancher entre deux projets importants, les émotions du cadran rouge pourraient vous être beaucoup plus utiles (haut niveau décisionnel, situation critique, urgence, action, plus critique).
- Si par contre vous cherchez à faire émerger de nouvelles idées et pensées créatives par le billet de remue-méninges exploratoires. Les émotions du cadran jaune (joie, plaisir, énergique, optimiste) vous seront donc très utiles. Toutefois, si vous devez informer votre employé de son bas niveau de performance, il serait peut-être plus approprié de vous situer au cœur des émotions du cadran rouge (urgence, action, situation critique), en étant respectueux tout en faisant comprendre votre point.
- Si vous êtes en situation crise où vous devez identifier une solution, ou encore en pleine discussion requérant un sens élevé de décision par exemple garder ou non une ligne de produit ou défendre vos employés dans un projet, les émotions du cadran rouge, relevant de l’urgence, du sens de la persuasion ou de l’aspect décisionnel seront fort utiles. En contrepartie, si vous devez discuter du potentiel de nouveaux produits et avoir une ouverture d’esprit considérable, le sentiment d’urgence qu’induisent les émotions du cadran rouge ne vous aidera pas. Il pourrait s’avérer plus productif de vous situer dans les émotions du cadran vert offrant une certaine neutralité.
- Si vous devez réaliser une analyse exhaustive d’un projet ou d’un élément en particulier, mettre un focus étroit sur une tâche particulière comme une révision de texte, le cadran bleu serait tout indiqué. La pensée réflective, le focus sur les détails et une approche plus introvertie seront des alliés dans votre processus. Toutefois, si vous devez communiquer votre passion pour défendre une idée ou obtenir un mandat, les émotions du cadran jaunes pourraient bien vous être davantage utiles.
En français, une telle application n’existe pas, du moins à ma connaissance. Toutefois j’ai trouvé une image similaire soit la roue des émotions de Plutchik (1980). Ici le cercle et la palette de couleurs représentent l’idée que les émotions s’expriment selon différents niveaux d’intensité. Il est composé de 8 émotions de base, opposées deux à deux, et de multiple nuances.
*La roue des émotions de Plutchik – modèle de circumplex en deux dimensions
Il existe aussi l’échelle PANAS et d’autres tests qui peuvent s’avérer des outils intéressants. Aller sur le site de l’Université de Pennsylvania dans leur section Authentic Happiness sous Questionnaire et vous y trouverez celui de PANAS et une foule d’autres tests intéressants pour bien situer vos habiletés en IE (www.authentichappiness.sas.upenn.edu).
J’espère vous avoir communiqué la volonté d’intégrer ces aspects encore très abstraits dans le monde des affaires. Ils prennent aujourd’hui de plus en plus d’importance considérant le rythme et la pression que tous subissent dans le cadre professionnel. Bien humblement, ce n’est qu’une infime part de cet univers vaste et complexe qu’est l’intelligence émotionnelle. Je ne me considère pas spécialiste en la matière, mais le sujet mérite d’être mis en relief et la réflexion suivant ce sommet m’aura permis de vous transmettre quelques notions fascinantes qu’il reste à approfondir.
Si on mettait cette intelligence au profit du renouveau de nos organisations, de nos structures et de notre gestion pour créer une nouvelle approche de modèles d’affaires? Des approches plus humaines, plus collaboratives et surtout plus motivantes avec un taux de rétention plus élevé de notre capital humain!
Plusieurs lectures abordant l’approche de l’EI et de la communication sont disponibles. Je vous propose en référence certaines suggestions en ce sens.
Magali Pelletier est entrepreneur, stratège et formatrice. Elle Cumule plus de 15 ans d’expérience professionnelle en entreprises manufacturières et de services comme spécialiste en gestion marketing et stratégie de développement de produits. Consultante depuis 2013, elle offre des services de consultation, des formations sur les grands thèmes actuels en gestion et développement de l’innovation et effectue des études d’opportunités pour explorer de nouvelles idées ou marchés. www.strategiemp.com
Références :
- Marc Brackett, Emotionally Intelligent Leadership : From Theory to Practice, Mindful Leadership Sumbit, Washington, No2-7th 2016-12-01
- Yale EI center, Yale University
- Document écrit d’après des extraits du livre d’Isabelle Filliozat Que se passe-t-il en moi ?, éd. Marabout, 2006.
- L’Intelligence émotionnelle , Daniel Goleman.
- Emotional iintimacy : A comprehensive guide for connecting with the power of your emotion, Robert Augustus masters
- Everything is workable, Diane Hamilton sur la communication, une approche zen du rôle des émotions dans la résolution de conflit.
- The hapiness track, Emma Seppala, the science director of the Center for Compassion and Altruism Research and Education at Stanford University and director of the Yale College Emotional Intelligence Project